Une nuit à Kensington

L’automne. Londres. Ses vastes parcs parsemés d’une teinte rougeâtre, par endroits. Une gamme de couleurs unique. Un décor envoûtant. Et un peu sanglant, parfois. La venue du soir assombrit de belles maisons victoriennes régulièrement alignées dans une rue de Kensington. Impeccablement blanches. Un peu trop, peut-être.

La lumière rougeoyante tamisée à une fenêtre, à peine plus haute que la rue, éclabousse la nuit. Les rideaux pourpres semi-opaques sont surpiqués de fins motifs dorés. Ils ondulent voluptueusement derrière la fenêtre entrouverte.

Un coup de vent plus violent que les autres écarte les rideaux et révèle la pièce. Le luxe se respire partout; dans ce mélange coloré d’or et de rouge qui éclabousse la pièce, trop ostentatoire ; dans ses nouveaux sous-vêtements, trop brodés ; dans le somptueux costume clair qu’il portait encore il y a quelques minutes, trop ajusté ; dans l’étreinte qui mélange leurs parfums, trop endiablée.

Ils se retournent, laissant découvrir l’alliance de la femme, tout à fait du style de la décoration. Aucun doute, elle habite ici.

Leurs baisers sont tendres mais passionnés, presque amoureux. Alors qu’ils se dirigent vers le lit, enlacés, l’absence de bague au doigt de l’homme n’est pas vraiment une surprise.

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Prise de conscience

Avant de traverser, elle regarda bien à droite, à gauche, puis s’engagea avec son caddie. Il y avait beaucoup de monde au marché aujourd’hui. Ce n’était pas facile pour une vieille dame comme elle. Elle rentrait à chaque fois épuisée, mais tenait absolument à ce petit plaisir, symbole d’une autonomie dont elle était fière. Bien engagée sur le passage protégé, elle pensa à son petit fils. Quel cadeau allait-elle lui offrir cet après midi ? Soudain, elle entendit comme un sifflement, releva la tête, mais c’était trop tard pour l’éviter.

Elle fut tuée sur le coup. La chose volante aussi. Un bruit sourd de chair pénétrée, et en un battement d’aile, c’était terminé. Elle ne verrait pas son petit fils cet après midi, et elle n’aura pas besoin de se creuser la tête pour son cadeau. La chose ne reviendra pas parmi les siens.

Encore une urgence. A deux pâtés de maison d’ici. Loïc remis son casque, monta dans le camion et démarra, sirène rugissante.

C’était devenu la routine.

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En un mot

« Une lettre. Un mot. Et enfin, j’aperçois une phrase daignant se coucher devant moi. Sans arrières pensées. Un début. Le commencement. Pas terrible comme entrée en matière, mais il fallait bien commencer par quelque chose. Alors voici se prostituant pour moi, ces quelques mots couchés sur cette page que vous êtes en train de lire. Ou pas. Peu importe. »

Nicolas relut son introduction, sceptique. Il ne trouverait probablement personne pour partager son texte. Mais chaque chose en son temps ; il fallait déjà qu’il arrive jusqu’au bout de son projet. Il avait fait le plus dur ; il s’était lancé. Plus question de revenir en arrière maintenant. Parvenant à sortir de ses pensées un court instant, il cliqua sur le bouton « publier ». Et ça y était : son blog était maintenant publié, et il pouvait être lu par, potentiellement, environ deux milliards d’individus. A ce moment là, il se sentit fort, puissant et important. Il twitta à propos de son blog, puis partagea l’information sur Facebook et Knowtex.

Il avait prit part à quelque chose de plus grand que lui, qui le dépassait complètement. Mais qui lui donnait une raison de vivre et de se battre. Durant toute son existence, il avait toujours fait tout ce qu’on lui avait ordonné, sans jamais remettre en question, sans jamais même se demander ce que lui voulait faire. Aujourd’hui, c’était l’heure de sa revanche. Publier son blog offensif. Puis accepter d’en payer le prix fort ; mais la force de quelques mots est parfois étonnante.

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A l’origine

La porte s’ouvre. Enfin. J’étais sur le point de repartir… Ou d’enfoncer la porte. Je ne parvenais pas à trancher.

Un type dans la quarantaine, mal rasé et à l’air peu commode me lance un « Quoi ? ». Un peu sec, mais après tout, ce gars m’a évité de prendre une décision difficile. « Bourg-en-Bresse » A peine ai-je prononcé ce nom, qu’il recule et referme la porte en marmonnant « Dégage ». Mes Timberland n’en sont pas à leur première porte retenue. Un coup d’épaule, la porte se rouvre en grand, le type, qui ne s’attendait pas à une telle réaction, est bousculé. Je l’aide dans sa chute en le poussant en arrière. Une fois la porte refermée, je reprends la discussion en sortant mon couteau suisse, alors qu’il s’est assis par terre. Pendant que je cherche la lame, il esquisse un léger sourire, nerveux sans doute, qui disparaît aussitôt que la lame vient se planter dans sa cuisse. « Je t’écoute ». Je commence à tourner mon couteau dans sa plaie afin de m’assurer que je capte toute son attention et son sérieux.  « Putain je m’attendais pas à te rencontrer. Je n’y étais pour rien, tu t’adresses à la mauv… ». Un cri s’échappe. Le premier. Il avait réussi à rester silencieux jusqu’ici, la surprise lui ayant fait oublier sa douleur. La lame a fait un tour sur elle-même, sa blessure saigne abondamment, et le bruit mat que je viens d’entendre c’est son corps inconscient qui s’est affalé par terre. Il est maintenant allongé sur le lino de l’entrée, sa jambe baignant dans une flaque de sang.

Un lino lavande. Dommage, ça jure un peu. En revanche son sang est assorti avec un meuble rouge du salon que l’on entrevoit. Encore que. Non, décidément, cet homme a mauvais goût.

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Thirty Twenty Ten

2010 marque un retour à la composition, avec une orientation éléctronique et des textes en anglais. Plus l’occasion de laisser s’échapper quelques notes de créativité que le désir de parvenir à un projet aboutit, moins d’une demi douzaine d’heures auront été passées sur chaque morceaux. Juste de quoi y prendre du plaisir, puis de passer à autre chose.

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