Avant de traverser, elle regarda bien à droite, à gauche, puis s’engagea avec son caddie. Il y avait beaucoup de monde au marché aujourd’hui. Ce n’était pas facile pour une vieille dame comme elle. Elle rentrait à chaque fois épuisée, mais tenait absolument à ce petit plaisir, symbole d’une autonomie dont elle était fière. Bien engagée sur le passage protégé, elle pensa à son petit fils. Quel cadeau allait-elle lui offrir cet après midi ? Soudain, elle entendit comme un sifflement, releva la tête, mais c’était trop tard pour l’éviter.

Elle fut tuée sur le coup. La chose volante aussi. Un bruit sourd de chair pénétrée, et en un battement d’aile, c’était terminé. Elle ne verrait pas son petit fils cet après midi, et elle n’aura pas besoin de se creuser la tête pour son cadeau. La chose ne reviendra pas parmi les siens.

Encore une urgence. A deux pâtés de maison d’ici. Loïc remis son casque, monta dans le camion et démarra, sirène rugissante.

C’était devenu la routine.

*

Des parasites. Voilà ce qu’ils étaient. De vulgaires être vivants gris, déprimants, errants dans les rues à la recherche de nourriture. Entre eux, une seule règle prévalait : la survie du plus apte. Associés à la saleté, au bruit, à la dégradation des monuments et diverses constructions, à la violence, ils avaient été qualifiés d’indésirables.

Mutilés, tués, chassés, ils ne vivaient que pour se reproduire. Solitaires, désorganisés, lâches et faibles, mais néanmoins obstinés et prolifiques, ils finirent par dépasser en nombre notre population à Paris. La prise de conscience de cette supériorité marqua le début d’une nouvelle ère pour cette race.

Il fallait que nous réagissions. Un coup de force avec une rapidité foudroyante et une efficacité infaillible.

*

« Morte sur le coup ! Pauvre vieille ». Loïc et ses collègues s’activèrent afin de sécuriser et nettoyer la zone. Ils dégagèrent le bec du crâne de la pauvre dame, puis soulevèrent son corps pour le placer dans l’incinérateur mobile. Ensuite, le cadavre du volatile fut mis au congélateur, avec les autres, pour que les équipes de scientifiques fassent leur travail de recherche plus tard. C’était la quinzième intervention de Loïc aujourd’hui. Parfois il repensait à ses rêves. Ses débuts. Depuis tout petit, il avait toujours rêvé d’être pompier. Il n’aurait jamais pu s’imaginer quelques dizaines d’années plus tard, arpenter les rues de Paris dans un camion spécialement équipé, à réduire en cendre ses semblables tués par des bestioles qu’il devait transformer en glaçons.

Mais au-delà de tout ça, sa mission était de servir et protéger les siens. Il restait donc alerte et professionnel quoiqu’il arrive. Ses collègues le charriaient d’ailleurs parfois à ce sujet. Ils leur répondaient toujours la même chose, quelque chose qu’il n’oublierait jamais…

Un sifflement. Il avait appris à reconnaître ce bruit entre tous. Un coup d’œil vers le ciel. Un autre dans la rue. Il calcula sa trajectoire. La fille là-bas. Il bondit, et s’élança sur la fille pour l’écarter du danger. Un bruit se fit entendre. La jeune fille n’était pas tombée mais, surprise, donna un coup de poing à Loïc qui s’étendit au sol, sur le ventre. Un pigeon était planté dans son dos, mais pas profondément. Heureusement, sa combinaison spéciale l’avait sauvé. Ses collègues appelèrent une ambulance et Loïc se réveilla à l’hôpital. Un charmant sourire l’accueilli. « Salut. C’est moi qui t’ai mis à terre. Enfin on était deux, j’avoue… Coraline ». Puis en la regardant, il tomba dans les pommes.

(…)

A Coraline et Loïc.

Octobre 2010.

Pour lire la suite de cette courte nouvelle, contactez-moi : nicolas@gutron.fr


Nicolas Gutron

Ecrivain en herbe fraîche, compositeur aux oreilles décalées et photographe amateur. Et le reste du temps, responsable communication digitale. En quelques mots, quelques notes et des pixels...

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