Prise de conscience

Avant de traverser, elle regarda bien à droite, à gauche, puis s’engagea avec son caddie. Il y avait beaucoup de monde au marché aujourd’hui. Ce n’était pas facile pour une vieille dame comme elle. Elle rentrait à chaque fois épuisée, mais tenait absolument à ce petit plaisir, symbole d’une autonomie dont elle était fière. Bien engagée sur le passage protégé, elle pensa à son petit fils. Quel cadeau allait-elle lui offrir cet après midi ? Soudain, elle entendit comme un sifflement, releva la tête, mais c’était trop tard pour l’éviter.

Elle fut tuée sur le coup. La chose volante aussi. Un bruit sourd de chair pénétrée, et en un battement d’aile, c’était terminé. Elle ne verrait pas son petit fils cet après midi, et elle n’aura pas besoin de se creuser la tête pour son cadeau. La chose ne reviendra pas parmi les siens.

Encore une urgence. A deux pâtés de maison d’ici. Loïc remis son casque, monta dans le camion et démarra, sirène rugissante.

C’était devenu la routine.

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Rendez-vous en ville

Un coup d’œil à gauche. A droite. Toujours personne. Uniquement les formes des immeubles en ruines que l’on devine sous cette brume légère mais immobile, chargée de poussière noire. Pas de soleil, pas de ciel, mais une lumière grise blafarde. Et cette odeur étouffante, un subtil mélange de métal chaud et de remontée d’égout. Oppressant. C’est un quartier qui n’a vraiment pas été épargné. Plus aucun bâtiment n’a gardé un semblant de dignité. Des étages entiers tombés ; les façades usées, parfois même éventrées ; plus aucune rue sans débris ni bitume en bon état. Des blocs de béton à terre ou encore timidement retenus par leur structure métallique rouillée. Ils tombent parfois, soulevant une masse de poussière qui vient s’ajouter à cette brume persistante. Et lorsque parfois elle se dissipe pour quelques instants, comme si elle reprenait son souffle, c’est pour laisser place à un paysage de ville abandonnée, délabrée et déserte. Et elle qui n’apparaît toujours pas.

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