Un coup d’œil à gauche. A droite. Toujours personne. Uniquement les formes des immeubles en ruines que l’on devine sous cette brume légère mais immobile, chargée de poussière noire. Pas de soleil, pas de ciel, mais une lumière grise blafarde. Et cette odeur étouffante, un subtil mélange de métal chaud et de remontée d’égout. Oppressant. C’est un quartier qui n’a vraiment pas été épargné. Plus aucun bâtiment n’a gardé un semblant de dignité. Des étages entiers tombés ; les façades usées, parfois même éventrées ; plus aucune rue sans débris ni bitume en bon état. Des blocs de béton à terre ou encore timidement retenus par leur structure métallique rouillée. Ils tombent parfois, soulevant une masse de poussière qui vient s’ajouter à cette brume persistante. Et lorsque parfois elle se dissipe pour quelques instants, comme si elle reprenait son souffle, c’est pour laisser place à un paysage de ville abandonnée, délabrée et déserte. Et elle qui n’apparaît toujours pas.

Elle m’avait pourtant dit 16h devant l’ancien Monoprix de la rue du Commerce. Il est bientôt 17h. Pourquoi cela ne m’étonne-t-il pas ? C’est son style. Et sa force c’est qu’une fois arrivée, elle est tout de suite pardonnée. Je ne sais pas, c’est un état d’esprit qu’elle provoque quand elle est là. Elle est juste là. Peu importe depuis combien de temps elle aurait du y être déjà. Bien sûr, elle sait y mettre la forme, un regard, une moue, un petit sourire et hop, le tour est joué. Je me surprends d’ailleurs de temps en temps à observer ces quelques secondes délicieuses qui suivent son arrivée. Je lance une remarque parfois, mais en réalité je trouve ça adorable. Maintenant elle a quand même dépassé sa moyenne. Mais je l’attendrai, je n’ai rien d’autre à faire.

Malgré l’obscurité quasi permanente, l’absence de vent et de vie, ce qui manque le plus dans ce paysage de désolation, c’est la végétation. Rien n’a repoussé. Pas un brin d’herbe. Après tout ce temps, toutes ces générations vivant dans les régions épargnées, rien n’a changé ici. Enfin si bien sûr : les ruines du début sont devenus des esquisses de ruines, dont on pourrait difficilement imaginer ce qu’elles ont été par le passé. Autrefois des rues charmantes, et aujourd’hui des allées de gravats, plus ou moins accessibles. Il n’y a plus aucune construction de plus de trois étages de haut. Tout se désagrège. Seule la Tour Effel, rarement visible, tente de rendre son identité à Paris. Elle qui seule résiste à ce nuage opaque et agressif, et qui sait, qui le domine même peut être. Et encore cette brume qui se forme. Difficile de respirer. Je comprends maintenant pourquoi ils ont interdit de rester trop longtemps dans la ville.

(…)

Septembre 2009.

Pour lire la suite de cette courte nouvelle, contactez-moi : nicolas@gutron.fr


Nicolas Gutron

Ecrivain en herbe fraîche, compositeur aux oreilles décalées et photographe amateur. Et le reste du temps, responsable communication digitale. En quelques mots, quelques notes et des pixels...

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