Rencontre à Oxford Circus

On leur avait pourtant dit de faire des efforts, de devenir des éco-citoyens, de privilégier les moyens de transport « propres ». Mais la circulation routière continuait à cracher ses émissions polluantes, tout comme la télévision à cette époque. On les avait prévenus qu’il fallait se mettre à produire de l’électricité sans rejets néfastes pour l’environnement. Mais les centrales à charbon s’époumonaient encore à travers le monde. Et on leur avait demandé de recycler, réparer, récupérer. Mais les déchets s’entassaient sereinement là où ils ne gênaient personne. Finalement, la prise de conscience collective a émergé sérieusement vers 2050, grâce à quelques excellentes campagnes de communication  d’associations militantes. Ou bien était-ce à cause de leurs actions raisonnables autant que percutantes auxquelles adhéraient de plus en plus de citoyens ? Peu importe, ensuite, les politiques ont suivi le mouvement ; ils n’avaient plus le choix face à ces déferlantes vertes soutenues par leur électorat. Persuader et manipuler un peuple était une chose ; s’y opposer en était une autre. Il était temps de prendre le train en marche, et de suivre tous ensemble cette majorité de citoyens engagés pour une gestion durable de notre planète. Nous étions mûrs.

Le transport aérien fut modernisé avec une flotte d’appareils hybrides, peu de temps après que le trafic mondial ait été réduit de 25%. Une fois régulé et contrôlé par les états, le marché fut d’abord saturé, puis la demande finit par s’adapter à l’offre. Et finalement, les premiers appareils à moteurs électriques assuraient des liaisons domestiques. Maintenant, les grandes villes étaient fermées à la circulation routière privée. Seuls les services publics, transports en commun inclus et les services de livraisons y circulaient, et uniquement en véhicules électriques. Les tramways arpentaient librement les métropoles et transportaient sereinement leurs millions de piétons, l’air de rien.

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Une nuit à Kensington

L’automne. Londres. Ses vastes parcs parsemés d’une teinte rougeâtre, par endroits. Une gamme de couleurs unique. Un décor envoûtant. Et un peu sanglant, parfois. La venue du soir assombrit de belles maisons victoriennes régulièrement alignées dans une rue de Kensington. Impeccablement blanches. Un peu trop, peut-être.

La lumière rougeoyante tamisée à une fenêtre, à peine plus haute que la rue, éclabousse la nuit. Les rideaux pourpres semi-opaques sont surpiqués de fins motifs dorés. Ils ondulent voluptueusement derrière la fenêtre entrouverte.

Un coup de vent plus violent que les autres écarte les rideaux et révèle la pièce. Le luxe se respire partout; dans ce mélange coloré d’or et de rouge qui éclabousse la pièce, trop ostentatoire ; dans ses nouveaux sous-vêtements, trop brodés ; dans le somptueux costume clair qu’il portait encore il y a quelques minutes, trop ajusté ; dans l’étreinte qui mélange leurs parfums, trop endiablée.

Ils se retournent, laissant découvrir l’alliance de la femme, tout à fait du style de la décoration. Aucun doute, elle habite ici.

Leurs baisers sont tendres mais passionnés, presque amoureux. Alors qu’ils se dirigent vers le lit, enlacés, l’absence de bague au doigt de l’homme n’est pas vraiment une surprise.

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